« Je ne suis pas à la hauteur!!! » ou le syndrome de l’imposteur et comment y changer quelque chose!

C’est quoi le syndrome de l’imposteur ?

On entend beaucoup parler ces derniers temps du syndrome de l’imposteur, mais c’est quoi exactement ?

Il faut remonter un peu dans le temps, en  1978, pour trouver son origine. Deux psychologues américaines de l’Université d’Atlanta, en Géorgie, Pauline Rose Clance et Suzanne Ament Imes mènent une étude sur cent cinquante femmes occupant des hauts postes, ayant des diplômes élevés et reconnues dans leur domaine. Malgré leurs compétences, ces femmes ne se voient ni brillantes, ni intelligentes et ne se sentent pas légitimes dans leur poste de travail ou dans les commentaires élogieux qu’on peut leur faire. Elles se sentent surestimées et craignent d’être démasquées, que quelqu’un se rende compte qu’elles ne sont pas douées pour un sou. Les psychologues ont appelé ce sentiment vécu par de nombreuses femmes, le syndrome de l’imposteur.

Il faut préciser que ce n’est pas une maladie dont il faudrait guérir ! D’ailleurs, c’est  le terme de phénomène de l’imposteur, « impostor phenomenom »,  qui a été utilisé  à l’origine  et pas syndrome (la traduction française) qui sonne comme quelque chose de complètement pathologique (mon Dieu j’ai choppé un syndrome de l’imposteur !!!!).

Ça touche qui?

Ces psychologues avaient fait le choix de porter leur regard sur des femmes mais déjà à l’époque,  elles précisent que cela peut également concerner les hommes, même si  de manière moins fréquente et moins intense. Cela a été  mis en évidence par la suite au travers de nouvelles recherches (Clance, 1985; Bravata et al., 2019).

Il s’avère également que cette expérience d’imposture, est loin d’être rare. Selon les différentes études jusqu’à 70% des personnes ont eu de telles pensées au moins une fois durant leur carrière.

Mais derrière ce concept se cachent plusieurs réalités. Il faut faire la différence entre :

  • des pensées d’imposture, ponctuelles qui touchent un grand nombre d’entre nous
  • et un syndrome de l’imposteur envahissant avec des pensées récurrentes, omniprésentes dans tous les domaines professionnels, impactant sérieusement la qualité de vie de la personne. Ceci est un peu moins courant.
femme qui doute

Voulez-vous faire le test de Pauline Rose Clance pour voir comment vous vous situez par rapport au syndrome de l’imposteur?

C’est ici!

Quel est profil des personnes qui vivent cette expérience?

Biais d’attribution interne ou externe ?

Les personnes vivant cette expérience de l’imposteur  ont plus tendance à :

  • attribuer leur réussite à des facteurs externes et ponctuels, c’est à dire sur lesquels on n’a pas de contrôle : « non vraiment Lucien, je n’ai aucun mérite,  j’ai réussi mais c’est parce que c’était tellement facile » ou « j’ai eu de la chance, Laurence »,  ou « ils m’ont évalué gentiment, j’ai du leur faire pitié ». (Au lieu de se dire: j’ai réussi car je suis calé dans ce domaine par exemple)
  • à l’inverse, elles ont tendance à expliquer leurs échecs par des facteurs internes et stables : « je suis trop nulle, j’ai pas les compétences. » (Au lieu par exemple de se dire : c’était très compliqué ou je n’ai pas eu de chance)

Quelles sont les croyances associées

Souvent, les pseudos imposteurs ont des croyances de type:

  • Tout doit être parfait
  • Etre expert dans un domaine veut dire tout connaitre
  • il ne faut pas demander d’aide car c’est la preuve d’une faiblesse et d’un manque de compétences
  • échouer c’est être soi-même un échec
  • il ne faut pas reconnaitre ses capacités car ça voudrait dire qu’on est une personne arrogante
  • il ne faut pas dire non
  • pour réussir il faut faire beaucoup d’efforts et travailler très dur

Vous sentez la pression énorme que l’on peut se mettre sur les épaules avec ce type de pensées? 

Une forte tendance à la comparaison

Ils ont également tendance à se comparer en permanence aux autres et en tirent comme conclusion  que tout le monde est meilleur qu’eux.

Or le problème avec les comparaisons, c’est qu’en général, il y a toujours quelqu’un de meilleur que nous (et c’est pas grave du tout!!!) et qu’il ne faut pas comparer tout et n’importe quoi! Comme nous disait Einstein « Si vous jugez un poisson à sa capacité de grimper à un arbre, il vivra toute sa vie en croyant qu’il est stupide. »

La peur de l’échec et l’importance du regard de l’autre prennent là une place très importante.

Origine de l'expérience de l'imposteur

Familiale

Clarence et Imes ont noté certains schémas familiaux récurrents chez les pseudos imposteurs. Il s’agit par exemple, d’attentes parentales de réussite trop faibles (ils ne croient pas en la réussite scolaire de leur enfant, ne la stimule pas) ou au contraire trop élevées voire irréalisables.

Sociétale

On a parfois l’impression en écoutant parler du phénomène de l’imposteur qu’il s’agit de réparer des individus défaillants. Mais, et si le phénomène était bien plus vaste ? Et si notre société, le contexte historique et culturel, avaient aussi leur rôle à jouer là dedans ? Et si, se défaire du syndrome de l’imposteur impliquait aussi que  chacun d’entre nous participe pour faire bouger les mentalités et faire évoluer les stéréotypes?

Ainsi aujourd’hui, on voit par exemple, que les femmes, les personnes issues des minorités ont plus tendance à se sentir imposteur dans ce monde où il est difficile de trouver des femmes ou des personnes issues des diversités ethniques, LGBT, à des hautes fonctions.

Voyez par exemple, cette étude de l’Université de Princetown, en 2017. Elle met en évidence que les petites filles dès 6 ans se perçoivent moins brillantes et moins fortes que les petits garçons, et pensant ça, vont moins se tourner vers des activités qui nécessitent de faire preuve d’intelligence. (pour en savoir plus sur cette étude).

La société est en train de changer mais le modèle actuel est toujours très centré sur une norme « masculine, blanche et hétérosexuelle ». Il reste encore beaucoup de travail pour créer un environnement professionnel qui accepte et valorise différent styles de leadership, avec une répartition homme-femme plus équilibrée, une multiplicité ethnique, une place pour les différentes identités de genre. Il est important que chacun puisse trouver un modèle fort qui lui ressemble, et sentir qu’il lui est possible de réaliser ce qu’il souhaite, sans se sentir marginalisé ou en décalage.

Quelles conséquences?

Ces pensées envahissantes  peuvent générer :

  • mauvaise estime de soi, une petite voix susurre à l’oreille en permanence « tu ne vaux rien et ils vont s’en rendre compte »
  • peur de l’échec,
  • dévalorisation,
  • culpabilité face à la réussite,
  • dépression, burnout

Comme nos pensées et émotions guident nos comportement, les pseudos imposteurs ont tendance à:

  • s’abîmer dans un travail intense, sans relâche, avec un niveau d’exigence envers eux-mêmes très élevé. Comme ils se pensent mauvais, ils essayent de compenser. Or malheureusement, lorsqu’ils réussissent grâce à leurs compétences et travail de qualité, cela ne les rassurent pas le moins du monde, puisqu’ils attribuent leur réussite à la chance ou une erreur de casting! Ça peut devenir un véritable cercle vicieux, toujours plus de travail, d’investissement jusqu’à l’épuisement et au burnout.
  • la procrastination : les personnes repoussent sans cesse l’exécution des tâches, repoussant ainsi leur évaluation. Cela ressemble à une sorte d’auto-sabotage qui lorsqu’il va jusqu’à l’échec, va servir de preuve du manque de compétences supposé et entretient les pensées négatives.

Ça  peut leur causer préjudice au moment d’occuper réellement sa place professionnelle, de développer ses compétences, négocier un salaire, postuler pour un nouvel emploi…

pensées

Mais y a t'il un côté positif à tout ça?

Une fois dis tout ça, et si le syndrome de l’imposteur avait des avantages ? La question parait saugrenue, et pourtant….

L'effet Dunning et Kruger

Pour explorer cette question là, je vais vous parler d’une étude de deux psychologues, David Dunning et Justin Kruger portant sur la reconnaissance de sa propre compétence. Ils ont mis en évidence deux types de comportement :

  • Les personnes incompétentes dans un domaine ont tendance à surestimer leurs compétences et à ne pas réussir à évaluer leur niveau réel de compétences et ceux des autres.
  • À l’inverse les personnes compétentes tendent à sous estimer leur niveau de compétence réel et à surestimer celui des autres.

C’est ce que l’on appelle l’effet Dunning-Kruger ou biais de sur confiance. Ainsi, si vous avez tendance à douter tout le temps de vous, il y a fort à parier que vous soyez plutôt dans la catégorie des compétents dans votre domaine!

De meilleures relations interpersonnelles?

A ce sujet,  Bassima Tewfik a réalisé une étude très intéressante. Elle travaille essentiellement sur la psychologie du moi social au travail et sur les différents aspects du syndrome de l’imposteur.

Elle a étudié le comportement de médecins pseudos imposteurs et des médecins ayant une bonne confiance en eux. En termes de diagnostic et de prescription, elle ne note aucune différence entre les deux groupes. Les compétences sont les mêmes contrairement à ce que les médecins « imposteurs » pensent d’eux-mêmes. Par contre, les médecins pseudos imposteurs ont été évalués par les patients comme plus à l’écoute, donnant de meilleures explications, plus empathiques.

On trouve chez ces personnes dont les compétences sont plus hautes que la confiance en soi, une meilleure capacité d’apprentissage, l’humilité de savoir qu’elles ne savent pas tout. Elles sont plus enclines à demander conseils.

Tout n’est jamais tout blanc ou tout noir, le phénomène de l’imposteur est complexe. Lorsqu’il est présent en excès, on va se sentir angoissé, mal dans sa peau, on risque d’arriver à un moment ou un autre au burnout. Mais l’objectif n’est pas non plus de tomber dans l’excès inverse, le syndrome de Dunning et Kruger ou quand la confiance en soi et supérieure aux capacités réelles! L’équilibre se trouve entre les deux, lorsqu’on peut utiliser ce mode de fonctionnement comme une force sans qu’il se retourne contre nous.

Pistes pour trouver un équilibre

Voici quelques pistes à tester pour ne pas tomber dans les extrêmes et trouver son équilibre.

Choisissez-vous un joli petit carnet où coucher vos réflexions.  L’écriture permet de se détacher, de mieux analyser et de ne pas oublier !

Notez vos réussites

Notez ce que vous réussissez chaque semaine de manière à repérer vos petites et grandes réussites, car souvent elles passent inaperçues. Elles sont perçues comme banales et sont vite oubliées au détriment de toutes les choses qui ne se sont pas passées comme prévu et qui obnibulent l’esprit.

Acceptez les compliments

Acceptez à partir de maintenant lorsqu’on vous fait un compliment, prenez-le, entendez-le, sans dire : « non, non, tu parles, ce n’est pas grand-chose ». Et non seulement acceptez-le, mais notez-les tous, et relisez-les régulièrement!

Ne pensez plus comme un imposteur

Vous êtes le seul à croire que vous êtes une erreur de casting, alors essayez de ne plus penser comme un imposteur! Repérez ces pensée, essayez de les remplacer par des phrases plus positives, de les interroger au lieu de les prendre d’emblée pour une vérité absolue. Vos pensées ne sont rien de plus que des pensées, elles ne vous définissent pas! (plus d’info ici pour modifier les pensées négatives).

Apprenez à vous connaître

Apprenez à vous connaître en identifiant et en notant le plus objectivement possible, comme si vous parliez d’une autre personne, vos forces et vos faiblesses. Vous pouvez demander leur avis à vos amis ou collègues pour avoir un regard extérieur.

Trouvez les facteurs internes qui vous ont conduit à la réussite

Face à un succès, forcez-vous à chercher et noter ce qui chez vous, dans vos compétences, personnalité,  a permis d’atteindre l’objectif. Et, je vous vois venir, interdiction de citer des causes externes ponctuelles de type «j’ai eu de la chance, c’était facile, c’est le karma, Vanessa »!!!

Une phrase à se répeter?

Rappelez vous que «  l’ignorance engendre plus fréquemment la confiance en soi que ne le fait la connaissance » comme le disait Darwin.

Apréhendez les échecs d'une autre manière

Essayez de vous détacher des messages de perfection de type « sois fort, l’erreur  n’est pas permise». Le perfectionnisme peut être une qualité mais poussé à l’extrême il est complètement contre productif.

Les échecs ne font pas de nous des ratés mais nous permettent d’apprendre, d’évoluer, de nous améliorer. Acceptez d’être humain, faillible. Nous apprenons grâce à nos erreurs et si on s’interdit les erreurs, on s’interdit d’avancer, on s’interdit de tester de nouvelles choses. Et si on s’autorisait à être joliment imparfait(e) à la place et à en être fier(e)???

Osez demander de l'aide

  • Osez en parler autour de vous! Si ces pensées rendent malades, c’est  aussi parce qu’on les vit comme un secret, dans la peur d’être découvert. Si vous prenez les devants, plus de crainte d’être découvert! Vous allez également vous rendre compte que vous n’êtes pas seul à avoir ce type de pensées!
  • Si tout ça est bien compliqué à faire tout seul, n’hésitez pas à faire appel à un psy pour faire le tri, vous aider à voir ce qu’il vous est difficile de percevoir et vous soutenir dans ce cheminement.

4 réflexions sur “« Je ne suis pas à la hauteur!!! » ou le syndrome de l’imposteur et comment y changer quelque chose!”

  1. Really impactful read. I hadn’t imagined the complex links of imposter syndrome with both childhood trauma and socio-political contexts. Thanks for this!

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